C’est la question qui était posée en introduction d’un échange à Sport Unlimitech entre Gérard Dine Professeur de Biotechnologies, IBT Troyes, Irmes Paris, Centrale Supélec et Paris Saclay et Jean-Noël Missa, médecin et philosophe, directeur de recherches au FNRS et professeur à l’Université libre de Bruxelles.

 

Sommes-nous tous égaux devant les performances sportives ? Malgré un entraînement rigoureux et une hygiène alimentaire méticuleuse, pourquoi certains sportifs se heurtent à un plafond de verre quand d’autres semblent avoir plus de facilités à battre des records ? La quête de l’égalité est-elle impossible au regard de la génétique? Des scientifiques parviennent désormais à isoler dans l’ADN les gènes de la performance. Des questions éthiques à venir ?

 

La biotechnologie a permis de faire des progrès extraordinaires. “Il y a 30 ans il fallait 3 mois pour séquencer un gène, aujourd’hui il nous faut 3 heures” lance Gérard Dine.
Le sport étant une activité humaine, il n’échappe pas au champ de la recherche”, il est donc normal que des progrès technologiques et scientifiques émergent et amènent de nouvelles interrogations, même éthiques.

 

Ce progrès a permis de mettre en place le génotypage, soit le passeport biologique dont Gérard Dine est à l’origine. Cette technologie permet de répertorier les évolutions du profil hématologique et endocrinologique d’un sportif, par le passeport hématologique (dopage sanguin) et le passeport endocrinologique, comprenant lui-même le passeport stéroïdien (hormones de croissances).

 

On est désormais capable de sélectionner les sportifs sur des critères génétiques. Une pratique interdite en France en raison de la loi bioéthique, mais ce qui est interdit en France ne l’est pas ailleurs. Il existe de nombreux des portails informatiques qui proposent de séquencer votre génotype sportif et auxquels recourent de nombreux athlètes.

 

Ce sont les progrès de la science qui permettent ces manipulations. Cela s’explique par le fait que la frontière entre thérapie et amélioration est devenue infime.

 

Jean-Noël Missa réagit alors “Pourquoi pense-t-on que c’est mal de se doper ? Pourquoi y-a-t-il un tel puritanisme vis-à-vis du sport ?
La médecine aide dans tous les domaines de la société mais le sport est exclu du champ d’application dès que l’on touche à la performance. “Il y a un véritable tabou sur l’amélioration de la performance par la biomédecine soit par des produits pharmacologiques, soit par la thérapie génique.”

 

Il existe 4 domaines de la médecine d’amélioration:

  • Amélioration des enfants (que l’on peut rapprocher de l’eugénisme)
  • Amélioration des performances sportives
  • Prolongation de la vie et retardement du vieillissement
  • Modification du système nerveux central pour améliorer la perception cognitive

 

Pour trois de ces domaines, le débat est ouvert et le dialogue sain, un seul y échappe, le sport. Pourquoi ?

 

L’esprit du sport est pourtant de maximiser la performance sportive. Le sport est le seul domaine à avoir imposé définitivement une philosophie naturaliste. C’est la ligne que défend l’Agence Mondiale Antidopage dans son code de l’éthique.
Avec cette vision naturaliste, on fait la promotion des inégalités naturelles au contraire d’autres domaines. On garde une éthique aristocratique de l’antiquité où on hiérarchise les gens en fonction de leur talent naturel. C’est finalement empêcher la réduction des inégalités” insiste Jean-Noël Missa.

 

Selon lui, le dopage n’est pas systématiquement dangereux pour la santé. Un pratique encadrée serait un compromis tout à fait acceptable d’un point de vu scientifique mais qui choque vis-à-vis du sport.

 

Jean-Nöel Missa donne un exemple: “Bode Miller estimait qu’en l’empêchant de prendre des dopants cognitifs lors de ses courses, on augmentait le risque d’accident”. Car en augmentant sa concentration, il pourrait diminuer les risques et être plus attentif à ses faits et gestes.

 

Se priver de ces progrès, c’est renoncer à maximiser la performance”. En France on commence seulement à financer la recherche sur l’amélioration de la performance sportive liée à la génétique. On a bien réalisé que la technologie change la donne.

 

Certains pays sont déjà très bien organisés à ce niveau là et d’autres comme la France on fait le choix de ne pas ou peu le faire. “Mais après 2024, quand on fera le compte des médailles, ils pourront discuter entre eux” tonne Gérard Dine.

 

Le souhait que partagent nos deux scientifiques est que l’on puisse faire évoluer les choses pour que les experts puissent travailler avec ces outils de manière sereine. “Cela évitera que les sportifs, en passant par leurs agents, se tournent vers des organismes obscurs à l’étranger aux USA ou en Chine” insiste Gérard Dine.

 

Il existe aussi un intérêt génétique dans l’étude des blessures. On souhaite pouvoir les mener pour réduire au maximum ces blessures”.

 

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